L'amour après - Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon

Résumé



Le téléphone sonne. C’est Charlotte qui m’appelle d’Israël. Nous étions dans la même classe à Montélimar. Elle a été arrêtée après moi, mais je ne l’ai pas croisée à Birkenau.

―  Qu’est-ce que tu fais en ce moment  ? demande-t-elle.
―  Je travaille sur l’amour.
Un silence alors, comme si le mot amour s’égarait, se cognait dans sa tête. Elle ne sait qu’en faire.

―  L’amour au camp ou quoi  ?

―  Après les camps.
―  Ah, c’est mieux. L’amour au camp, j’en ai pas vu beaucoup.  »
Comment aimer, s’abandonner, désirer, jouir, quand on a été déportée à quinze ans  ? Retrouvant à quatre-vingt-neuf ans sa «  valise d’amour  », trésor vivant des lettres échangées avec les hommes de sa vie, Marceline Loridan-Ivens se souvient…

Un récit merveilleusement libre sur l’amour et la sensualité.

Avis lecture 


Est-il possible d'aimer quand on a connu l'inhumanité, côtoyer l'horreur de certains hommes à son égard dès son plus jeune âge ? Je me – vous – pose la question... Et c'est aussi ce que semble se demander Marceline à 89 ans : âge où le retour sur soi, sur son vécu ne peut être que « bien dit », juste à propos. 
Bien sûr, cette lecture est bouleversante mais, jamais, on ne tombe dans l'outrance. Cette femme se dit avec pudeur, avec élan je trouve ; c'est écrit comme on écoute des confidences : tout en tendresse. On peut avoir la larme à l’œil mais aussi sourire à certains souvenirs et puis de nouveau éprouver de la peine pour cette toute jeune – jeune – femme – femme plus âgée – femme confirmée.  Qu'on se rassure quand même, Marceline a connu de belles histoires d'amour bien qu'elles soient, peut-être selon certains points de vue, singulières. Elle a aimé un réalisateur qu'il l'a aimé en retour et puis il y a eu également un homme plus jeune qu'elle et puis d'autres encore avant. Cependant, on s'en doute, l'amour n'est pas toujours venu ou plutôt la peur d'aimer (?), de s'abandonner, d'y croire aussi – qui sait – n'a pas permis à toutes ses histoires potentielles de se concrétiser. C'est le cas avec un célèbre écrivain de l'époque. Alors Marceline s'interroge, relit ces lettres enflammées – c'est moi qui les juge comme cela, quelles lettres ! – et replonge dans le passé, dans ce qui fut et ne fut pas. 

Elle farfouille davantage dans sa malle à souvenirs, celle qui regorge de lettres en vrac d'amis et d'amants, et nous confie des mots de ses amis pour l'essentiel des femmes qui ont eu une vie différente de la sienne : mariées très jeunes avec des enfants, un enfant très jeune qui a marqué un tournant dans la vie de ces femmes parfois célibataires, d'autres encore qui n'ont pas pu garder un enfant... En somme, c'est la vie de plusieurs femmes, ses amies, qu'elles nous partage un peu aussi ; le tout dans une douce intimité. Les mots sont bien choisis pour décrire ce qui est difficile à dire. Et puis, on ne va pas se le cacher, Marceline n'était pas n'importe qui : c'était une femme affranchie de son époque un peu guindée et austère ; une Femme qui a vécu sa vie comme elle l'entendait – quand elle a pu et osé bien entendu malgré son atroce passé. 

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